Instant Bullshit
5 février 2021

https://666revolutionsparminute.blogspot.com/2021/02/brame-ce-qui-rode.html

Lorsqu’on regarde d’un peu plus près la discographie de BRAME, on s’aperçoit tout de suite d’une chose, très importante : jusqu’ici tous les enregistrements du duo ont été autoproduits. Sans exception. Brame c’est José à la guitare et Serge à la voix, deux types dans leur coin, plutôt discrets à vrai dire et qui font leur truc bien à eux. Je me suis alors rappelé de cette fois où j’avais trouvé dans ma boite-aux-lettres le CDr d’un groupe dont je ne connaissais encore rien. Une belle présentation, avec un nom : celui de Brame. Et un petit mot accompagnant le disque, Tenaille, qui m’avait tenu en haleine. Ou plutôt qui m’avait mordu jusqu’au sang, ne lâchant rien. Jusqu’à ce jour de 2013 où La Nuit, Les Charrues… a débarqué à son tour. Toujours plus loin. Puis ce fut Basses Terres. Un vrai CD cette fois, avec une présentation encore plus belle et encore plus attirante. On était déjà en 2015, une sale année pour tout dire. Maintenant j’ai un peu de mal à faire la part des choses. Entre ce qu’alors je refusais d’entendre du côté du réel (disons, pour faire simple : celui du fracas et de la destruction) et ce que j’entendais au delà, comme à chaque fois que je mettais Basses Terres dans le lecteur.

Je n’ai pas réécouté Basses Terres ni ses deux prédécesseurs depuis des années maintenant. Sans doute par peur d’y retrouver ce que j’ai voulu fuir. Des conversations insensées à n’en plus finir, des horizons depuis longtemps effondrés, des promesses non tenues, des existences disparues, des regards éteints, des mains qui se desserrent (les mains qui se desserrent : voilà le plus important). Tout en sachant aussi ce qu’il y avait – ce qu’il y a toujours – dedans : des tranches de vie(s). Bien saignantes les vies, et puis découpées avec un vieux couteau tout rouillé. Un vrai travail de sagouin, quelque chose d’irrécupérable mais dont on ne peut pas se défaire. La violence de la musique de Brame est souvent, toujours, ainsi. Insoutenable si on la prend comme telle. Une vraie torture, sans échappatoire.
Alors que de là surgit aussi toute sa beauté. Au milieu d’un grand ragout de tripes faisandées. Des lambeaux de chairs et d’existences assaisonnés d’une sale guitare – la seule que je connaisse comme ça. Une musique qui en quelques notes brûlantes et vibrantes réussit à associer blues des cavernes, paysages rocheux, vieilles voies ferrées parcourues par des trains fantômes, bêtes sauvages affamées, crépuscules orageux, plaines désertiques, refuges de fortune, gémissements de proies aux abois, marches solitaires, rivières torrentielles. Peu importe l’ordre.

Ce qui rôde est le quatrième album de Brame. Je pourrais (je vais) dire que c’est le plus beau parce que pour la première fois c’est un vinyle, bien épais et bien dense, dans une pochette en gros carton qui l’est tout autant. Sans oublier les inserts sérigraphiés, un autocollant. C’est un objet. (Sans code-barres, sans aucune référence, sans dépôt de droits d’auteurs ni logo régional de subventions culturelles.) Mais je vais dire que c’est le plus beau surtout à cause de la musique qu’il contient. Celle que je n’avais pas oubliée. La guitare qui remue la boue et convoque le vent. Les battements minéraux. L’harmonica au loin. Les hurlements de vie. Et la paix qu’il ramène avec lui, la sérénité presque, une fois que l’on a compris et senti que la violence de cette musique n’en est pas réellement une, que c’est plutôt comme un monde qui s’ouvre et que s’ouvrir comme ça et bien ça peut faire mal. Je suis heureux de savoir que tu fais encore partie du monde des vivants. Et je suis heureux d’en faire encore partie moi aussi.

Hazam


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Satan Owes Us Money
21 Décembre 2020
https://satanowesusmoney.blogspot.com/2020/12/brame-ce-qui-rode.html

Il est tentant, comme chaque fois qu'on a une certaine fréquentation de ses auteurs, de définir une musique par le panthéon que vénèrent ses auteurs.
Brame, encore et toujours comme veut l'usage pour leurs pareils, joue le blues, le creuse, le burine, le sculpte sans fin ; et dans leur blues, il n'est pas trop difficile, à qui est pourvu d'un rien d'imagination, d'entendre Unsane et GodfleshTechnoAnimal ; et, ce qui est plus important que des influences, le point où ils se rejoignent.

Car à l'altitude où les courants ascendants sur la campagne assommée emportent le vol de Brame, tout ce beau monde se gazéifie, et s'unit en lentes, méditatives, tournantes planeries de rapace : toujours prêt à fondre soudain et déchirer la chair d'un bec aigu et d'un hurlement douloureux - mais toujours prêt à l'attendre longtemps, ce moment ; très longtemps : jusqu'à cesser d'attendre, perdre de vue l'idée de la fin de l'attente, l'idée de tout but. L'essentiel, l'unique réalité attestée et certifiée, étant la conscience, et en l'occurrence son ascension, dégagée de toute pensée, dans le ciel brûlé, dans la rêverie brute, bestiale ; telle ce blues acéré et atavique à la fois, loin pour sûr du plancher des vaches où Basses Terres avec des hurlements de bête arrachait chaque pas à la gadoue collante, dans une sensualité guère plus certaine - mais moins gazeuse, de toute évidence : ce ne sont pas uniquement les essences Godflesh et Unsane, qui sont ici devenues hautement volatiles ; mais celle de Brame, tout simplement, qui spirale vers le haut, s'affutant et s'élimant en égales mesures, jusqu'à se fondre avec l'étain chauffé au soleil de ce ciel muet ; loin également sont les dures ferrailles et rouages des machines de travail (étymologie, j'écris ton nom), dans la grange de La Nuit les Charrues..., où l'on s'affairait à l'établi, toujours plus tard, dévoré par l'ouvrage, les yeux écarquillés, vociférant comme une bête de somme hallucinée, un bagnard énamouré de son labeur, dans le fluide enchaînement de morceaux tous sous la lumière blême d'une jaquette comme toujours laconiquement percutant dans le mille... Loin encore la limpidité désaltérante et naturelle de Tenailles. On est au cœur du bois, où les essences de To Bring You my Love peuvent commencer à se humer, oui M'sieur. Du hautement volatil qu'vous avez dit, et ben vous en aurez, à en décaper les naseaux. N'avez rien contre les copeaux, non ? La chaise est juste derrière vous - la tête risque eud'tourner un peu, et la carcasse dev'nir un peu toute molle comme une chiffe, quand l'esprit va s'envoler d'un coup avec les rapaces, contempler les hommes de peine tout pareils que des rats, depuis là-haut.

Brame n'a paraît-il plus en sa possession ce mythique tournevis dont il me menaçait dès nos premiers échanges ; cependant, il détient manifestement un rabot particulièrement redoutable.

Libellés: alcool de sciure bruichladdich bere barley

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New NOISE
n°56 février 2021


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Perte et Fracas
4 Janvier 2021

http://perteetfracas.org/zine/kros2021/kros_b/brame_ce_qui_rode.htm


Ce qui rôde, c’est l’inconnu, c’est ce qu’on ne nomme pas, ça ronge la nuit, une sensation inexpliquée qui hante constamment, les lendemains qui filent la trouille, les démons intérieurs obsédants, les bêtesgrouillantes à l’extérieur n’attendant qu’une seule erreur, c’est le brouillard qui protège la proie du chasseur.
Brame, le retour. Cinq ans de silence brisé par un quatrième album, le premier en vinyle à la pochette en carton brut sérigraphié qui frotte la peau et plante le décor comme des échardes. Ce qui rôde, cette drôle de musique d’un duo quelque part en France, continuité du cri engendré par Basses Terres qui était lui-même l’écho tourmenté d’un bramement primaire commencé il y a fort longtemps et répété depuis inlassablement comme si Brame était seul au monde et que rien ne pouvait les faire dévier de cette trajectoire absolue et vitale. Une immersion qui rime avec désolation, aller toujours plus profond dans la torsion avec l’angoisse comme seul horizon.
Brame ne joue pas de la guitare, il la malaxe, lui arrache bien des malheurs qui prend le visage du blues que le duo remet une nouvelle fois sur le billot. Une interprétation personnelle avec des cailloux foulés et un tamis pour base rythmique, des tiges frottés pour enflammer les longues et lancinantes processions ardentes, des larsens pour rajouter de l’huile sur le feu, une complainte venant du fin fond d’un gosier d’une bête blessée, un harmonica pour apaiser les douleurs ou sonner le glas et ces guitares, épaisses, chaleureuses, rocailleuses, brillantes dans le noir et essentielles qui montrent la route et racontent des histoires à dormir debout et de gueules de bois monstrueuses.
Cinq titres unis comme les doigts d’une main que vous avez tout le temps de voir venir dans la tronche que Brame vous pétrit avec une lenteur assassine tout en vous obligeant à rester continuellement sur le qui vive. De longs accords glissant sur des douleurs récurrentes, un sens impitoyable du drame, des déflagrations souterraines remontant le long de la colonne vertébrale et agitant tout le squelette. Pour le faire pleurer, hurler, le laisser sidérer.
Brame peaufine à chaque sortie son art tel un noble ouvrier remettant son ouvrage jusqu’à lui trouver son éclat idéal. Et aussi sombre soit-il, l’éclat unique de Ce Qui Rôde illumine de plusieurs degrés supplémentaires la face d’un groupe rare arrivant toujours à vous surprendre malgré un procédé bien implanté et n’éprouvant aucune difficulté à vous embarquer dans leur magnétique et étrange univers.

SKX

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STNT
1e Mai 2021
https://stnt.org/content/brame-ce-qui-rode-autoproduction-2020

Je les ai vu en concert ces BRAME, au Ainu Fest, en 2013, le AINUFEST 3 (RIP Manu) à MONTAIGU, c'était en début d'après midi, le lendemain du vendredi si tu vois ce que je veux dire. Les yeux de certains s'ouvraient tout juste, d'autres ne s'étaient pas fermés, il faisait beau, je me rappelle de gravier parterre, d'une moiteur dans l'atmosphère et cette sorte de chaleur d'après midi de fin d'été, je ne sais plus vraiment. Serge, l'un des deux BRAME me disait qu'il n'avait pas un grand souvenir de ce concert, je comprends, pas évident d'être programmé dehors sous un barnum, à la punk à 15h l'apres-midi. Je me rappelle de longueur, d'une certaine nonchalance, eux qui doivent jouer dans la nuit, dans l'ombre, ils étaient en pleine lumière, éclairés comme des vampires. BRAME c'est José et Serge, point barre. Un cajon pour le beat, une guitare puissante qui discute avec un animal imaginaire à la crinière éclatante, le tout entremêlé de différents outils annexes du genre tiges, tamis etc pour faire avancer l'animal vers des chemins inconnus (de préférence). Car c'est l'aventure qui interesse ces deux là, les incantations et les brames sont censés marquer leur territoire, le lieu déniché est un endroit retiré où le blues inquiétant te tourne autour autant que la trans du rythme qui t'emporte dans une danse chamanique. Entrelacements, danse magnétique, la bête te tourne autour, oui c'est trop tard, tu viens de te rendre compte que tu t'es déjà fait piqué, tu sens une main dans le cou, tu entres dans la danse, tes sens te lâchent tandis que la puissante distorsion vient t'empaler dans le dos. Tu crois que tu es mort mais non, tu t'es juste fait embarquer dans leur univers rude et rugueux, un univers très personnel avec un quelque chose d'ancestral dedans, une plongée dans la foret en pleine nuit, un tour dans la vie de quelqu'un d'autre, bref, BRAME réussit simplement en 5 titres et 40 minutes à ouvrir en toi des portes inconnues.

Valery John Klebar

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Obsküre
25 Janvier 2021
https://www.obskure.com/brame-ce-qui-rode-2020.html

Retour de Brame avec un cinq titres dépouillé d'une durée de quarante minutes. Cette fois-ci, ce n'est pas la bande sonore illustrant un film comme c'était le cas avec Le Manoir De La Peur et comme ils le ferontpour Häxan - La Sorcellerie À Travers Les Âges. Il y a bien un clip pour "Drailles" et on peut s'appuyer dessus pour dire ce qu'est Brame. Du noir et blanc, unesorte de palissade ou de mur en palettes, marquée par les emplacements du métal martelé. Des outils agricoles posés contre ce support. Des chaînes et un coin de ciel. Quelques herbes qui ploient sous le vent. Pas d'humain. Les images se répètent, le montage est serré et les gros plans dominent. Progressivement, lorsque les cris fusent, des écritures déchirées se superposent et rayent les visuels. De temps à autre, un mot est lisible, mais subrepticement. La musique, elle, est moins syncopée. Elle racle et déchire toujours, en s'appuyant sur un fond qui est celui du blues. Même si la campagne et les animaux sont privilégiés, on pense forcément à une décharge rurale tant cette musique sent la rouille. J'apprécie particulièrement la façon dont les cris sont lancés : c'est non-humain, sans tomber dans le bestial des genres death, black ou screamo. Les variations sont multiples, allant de la colère aux appels, des prières aux lamentations. On a un peu de la façon d'Unsane pour cette idée de société malade. Mais la force de Brame c'est de donner corps à cette ruralité de rednecks méchants. On sent à la fois une Amérique en déclin et son parallèle français avec des coins reculés et abandonnés de tous (un peu à l'instar du livre en réalisme fantastique de Maurice Pons, Les Saisons, ou encore du film Calvaire de Fabrice du Welz).

Les titres donnés sont révélateurs, crus et angoissants ; on peut y lire une référence au livre
 Demain Les Chiens de Clifford D. Simak, exposant la lente dérive de l'Humanité et sa disparition au profit des chiens qui ont appris à parler. Même "Le Dehors" porte sa charge de danger (le klaxon bloqué ou bien la corne qui lance son appel dans le vide au début), comme s'il fallait rester pour toujours dans cette "Vallée borgne", en affronter "Les Chiens" (qui deviendront des loups, avant d'en passer par les coups) pour accéder au "Plateau" en empruntant la "Draille" (le chemin de transhumance). Les riffs éraillés à la basse ou à la guitare sont calés sur une batterie percussive minimale (au son sec, comme doublé). Des notes en larsens lacèrent la mélodie de base, répétitive, incantatoire, qui utilise également une sorte de violon en mode scie (à la John Cale) sur "Les Chiens". C'est une musique faussement planante, une sorte de mélopée ritualisée mais sans gourou. Elle sonne solitaire alors même qu'elle est produite par le nombre : même si c'est bien un groupe qu'on entend, qui joue ensemble et construit sa narration (le démarrage soigné en note à note de "Vallée borgne"), le résultat est lié à l'aliénation aux autres, au repli. La fête alcoolisée ou démente qui se trame isole ses participants. Ce n'est pas une communication, mais une excommunication forcée.

La violence inhérente à cette musique est toutefois tempérée par la simplicité des riffs bluesy : on peut accompagner sans difficulté ces défaillances mentales. Finalement, ce qui rôde n'est sans doute pas un danger extérieur, mais bien une maladie qui empoigne chacun de nous si les circonstances l'y invitent. Pour faire un raccourci factuel, cette musique illustrerait parfaitement le moment qui précède le passage à l'acte d'un survivaliste violent et pyromane. Glaçant ?

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Des Cendres à la Cave
13 décembre 2020

https://www.dcalc.fr/brame-ce-qui-rode/

Cinq années séparent Basses Terres de Ce Qui Rôde… et le temps n’a aucune prise sur l’écosystème de Brame. Le duo est rare, sa musique l’est aussi. Pour rappel, Brame, unique représentant d’un genre inédit, joue du blues qui s’apparente à du field recording : tous les bruissements, tous les galops, les cris d’animaux et autres manifestations de la nature se retrouvant encapsulées dans sa musique proviennent de leurs instruments (ou de leurs artefacts). On retrouve sur cette nouvelle captation les guitares (une folk et une baryton) et les poussières d’harmonica, la ferraille frottée, les cailloux piétinés, un cajon basse pour les proto-percussions et quelques borborygmes. Pas d’électronique, pas d’effets, rien pour pervertir le son, juste de quoi l’amplifier. C’est primitif (ce qui ne veut pas dire que la complexité est proscrite), c’est tribal (ce qui ne veut pas dire que ce n’est pas sophistiqué), c’est atavique (si les peintures pariétales pouvaient jouer, ça ressemblerait sûrement à ça) et surtout, sans le moindre doute, si je m’en tiens aux réactions de mon épiderme parcouru de soubresauts à chaque fois que le disque rejoint la feutrine, c’est beau.
Alors, c’est vrai, le beau c’est subjectif. Pourtant, Ce Qui Rôde… est authentiquement beau. De son habillage (on en reparle plus loin) à la musique qu’il renferme, le truc déclenche des vibrations qui ne trompent pas et que l’on ne maîtrise pas.
Toujours l’impression d’avoir branché les enceintes directement dans l’argile et d’entendre la mécanique enfouie sous la sphaigne, l’écosystème qui chante, la faune (où l’humain est considéré comme un animal parmi les autres) et la flore qui se fracassent, l’inconscient capté sur le vif. C’est une forme de blues terreux, glaiseux, gorgé d’eau de pluie et de cristaux de glace, une émanation des forces invisibles qui courent sous nos pieds. Tout cela explique le caractère primitif de Brame ou permet en tout cas d’un tout petit peu cerner sur quoi il s’appuie.
D’emblée, Drailles capture les neurones : puissant, percussif, des riffs tournoyants comme « les vautours par-delà les drailles », la voix âpre, rugueuse, dont on ne distingue pas tous les mots. C’est sec et dur et drastiquement sombre mais surtout complètement prenant. On dira exactement la même chose de Vallée Borgne d’où émergent quelques trilles d’harmonica qui ne rassurent pas. C’est comme du Peckinpah mis en musique : un plan séquence au ralenti dans la boîte crânienne, un road movie sur les chemins de terre – les drailles – avec la violence tapie à chaque embranchements. Plateau calme le jeu. Moins écorché, plus apaisé, moins disloqué, il garde néanmoins les pieds bien enfouis dans la terre. Voilà pour la face A.
La B conserve la même minéralité. Les chiens en ouverture retrouve le long râle, les lâche par intermittence et chez Brame, ce sont des loups. Vient ensuite Le Dehors, le gros morceau de Ce Qui Rôde… Non seulement par sa longueur (plus de douze minutes) mais par sa construction tout à la fois heurtée et mouvante. Les îlots de bruits reliés par des éclats de slide, la voix hurlant et déchiquetant, prévenant que « le bois de nos portes/ne nous protège pas », avant de devenir carnassière, « je griffe et je hurle/mes dents creusent dedans » et tout autour, c’est exactement pareil : le morceau attaque. Cinq titres seulement, plus ou moins identiques et franchement, peu importe parce que ça ne s’entend pas. Les morceaux de Brame sont tout entiers inscrits dans le temps présent, chaque seconde effaçant consciencieusement toutes les précédentes. À leur écoute, on reste sur le qui-vive et on attend que la tension qui les irrigue nous touche et nous agisse, ce qu’elle fait systématiquement.
Et une nouvelle fois, ce bloc de griffes est cerné d’un artwork à tomber. Carton brut et sérigraphie dont on attend, quand on les ouvre pour la première fois, qu’ils dévoilent un disque en granit ou en bois. Mais non, c’est un beau vinyle noir et ça correspond tout aussi bien à ce qu’on y entend. Brame a pris son temps, c’est vrai mais peu importe, Ce Qui Rôde… l’efface et donne l’impression d’avoir toujours été là, depuis bien plus longtemps que nous.


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PERTES ET FRACAS
14 mars 2016

http://www.perteetfracas.org/zine/kros2016/kros_b/brame_basses_terres.htm

Brame et retiens la nuit. Nouveau cri de bête sous la lune déclinante.Basses Terres succède à La Nuit, Les Charrues. Musique de rues sordides, de ruines, de pays oubliés par les puissances divines. Basses Terres laboure un sillon plus épais et envahissant que jamais, remplissant l'espace d'une couche supplémentaire de charbon. Le son incomparable de la Gretsch baryton, l'harmonica, la complainte déchirante du condamné qui sait que tout est joué d'avance mais aussi les cailloux piétinés, les granulateurs, les tôles et tout l'attirail du sculpteur de sonorités, le duo naviguant du coté de Bordeaux continue de déclamer son blues scélérat et âpre à s'en pourfendre le cœur. 
Une instrumentation et une approche singulières, ça passe ou ça lasse. On pourrait donc adresser à Basses Terres le même reproche fait au précédent album. L'impression d'écouter cinq fois le même morceau pour un album qui en plus ressemble trop à son prédécesseur. Mais Brame, c'est avant tout une histoire d'ambiance. Une putain d'ambiance à couper au couteau. Un parti pris radical qui joue justement sur une outrancière répétition et des morceaux au très long cours pour marquer son territoire, vous enfoncer plus bas que terre, au croisement des méandres d'un delta de Louisiane où rodes les ombres d'un True Detective et d'un puits de mine à l'abandon au fin fond de la Lorraine, un esthétisme aride et absolu qui interpelle et ne laisse pas insensible. Jusqu'à se cogner contre les murs. 
Alors pour peu que vous soyez d'humeur et de préférence très sombre, Basses Terres peut se révéler dramatiquement beau et dur. Une pulsation interne, une sourde et profonde tension, un cercle infernal tournoyant dans le ciel rouge pendant que les corps tombent autour de vous. Seuls Étrangé (avec un certain Christophe invité à la guitare) et Friches, prolongement de Fourches (avec le soutien du Ministère de l'Agriculture et de l'Industrie) se présentent plus apaisés et propices à l'apparition de fantômes ou la rêverie contemplative d'un monde qui se meurt dans une douleur silencieuse.
Brame, c'est exténuant, c'est à se flinguer, ça sera pas tous les jours mais allez savoir pourquoi, on en redemande à chaque fois.

SKX
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Le Zèbre / BRING THE NOISE
8 mai 2016

http://lezebre.info/bring-the-noize-15/

Pas de labels pour Brame (de Toulouse) qui a publié son troisième album Basses Terres en totale autoproduction, tout comme ces deux prédécesseurs, Tenaille en 2009 et La Nuit, Les Charrues en 2013. Et au passage l’objet (un CD) est vraiment très beau avec sa pochette sérigraphiée en carton et son insert soigné. 
Brame est un groupe qui possède sa propre esthétique. Ils ne sont que deux : l’un joue principalement de la guitare baryton et l’autre chante (beugle), joue de l’harmonica et de quelques rares percussions.
Et c’est sublime : Basses Terres est envahi par un brouillard tellement étrange et qui semble parfaitement coller au blues des origines, pour une musique dépouillée, moite, lentement fulgurante mais aussi minimale et, finalement, d’une obscurité aveuglante… la beauté incandescente de ce disque dégage un tel parfum de liberté, la liberté dans l’hébétude et l’abandon. Sauf que cette liberté saigne et qu’elle peut faire mal… 
Basses Terres ressemble étrangement à un exorcisme. Mais un exorcisme incomplet, comme si le mal et son remède avait une seule et unique source, comme s’il était impossible de choisir entre les deux options, comme si pour guérir de son mal il fallait à nouveau choisir de se frotter à lui, sans fin. Basses Terres est à la fois le disque que j’écoute le soir en m’endormant et le disque que j’écoute la nuit lorsque je n’arrive pas à dormir.

Hazam
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GUTS OF DARKNESS
dimanche 10 janvier 2017
http://www.gutsofdarkness.com/god/objet.php?objet=18567

À chaque fois que j'écoute un album, je visualise d'abord un endroit bien précis dans lequel je suis allé. Jamais un lieu que j'invente à partir d'autre lieux, jamais celui d'un film. Un lieu que je revois, limpide. Sans pouvoir lutter contre l'apparition subite de ce cadre mental, sans pouvoir dé-lier le disque de ce lieu qu'une partie molle de mon bulbe à décrété greffée à jamais à une musique.
C'est d'une toute autre profondeur subjective que les décors dressés dans les chroniques, qui ne valent souvent que pour mieux allécher le lecteur. Ce n'est pas une métaphore : c'est une association son-lieu dont le ressort m'échappe. Le décor qui me vient à l'écoute d'un disque est tout bêtement celui d'un endroit banal le plus souvent, et presque aussi souvent sans lien direct avec l'ambiance de la musique, du moins en apparence. Ce peut être une portion de route traversée pour aller au boulot, la pièce à vivre d'une connaissance, l'école primaire, un centre commercial... Un endroit dans lequel je suis passé récemment ou il y a longtemps ; une fois ou mille.
Presque à chaque découverte musicale un lieu différent (seuls quelques rares albums ont en commun le même). Et quand je ressors tel album, des mois ou même des années après, je reviens dans tel lieu, le même lieu que la toute première fois - impossible de m'en extraire, ils sont siamoisés.
Est-ce que parfois je ne parle pas d'un disque dans le but de sortir de son lieu ?
Et cela afin d'accéder à un lieu que je partagerais avec d'autres auditeurs pour m'extraire de ce lieu-prison... ?
Et puis merde à la fin : tout ça c'est très pénible à cerner, et probablement d'une banalité à pleurer qu'est-ce que j'en sais, c'est peut-être le lot de tout mélomane - synesthésie, je crois - et je ne devrais pas en parler.


Seulement Brame, groupe dont je n'attendais rien qu'une écoute-labeur, m'y a fait penser pour la première fois à ce point en 2013, et j'ai tu la vision, pour en fabriquer une moins intime.
Car avec La Nuit, Les Charrues, ce fût la première fois que je m'imaginais chez mes arrière-grands-parents à l'écoute d'un disque. J'ai donc menti en disant que je ne pensais pas à l'agriculture. Car c'était bien le cas : du plus profond du bulbe je ne voyais que cette ferme. Je les ai peu connus ces vieux machins, mais Brame me renvoie à leur propriété plate et moche, et ce dès ce premier morceau avec son grincement blues obsédant qui creuse une tranchée vilaine. Des cul-terreux comme pléthore, adolescents quand les bourrins n'étaient par encore des Deutz. J'ai senti l'odeur plumaillasse du poulailler, ouï le cri abominable du porc qu'on mène à l'égorgeoir, été pincé au mollet par le jar patibulaire. J'étais mal à l'aise là-bas, et en même temps je ne voulais pas en partir. Comme si je traversais une carte du passé au présent...
Et Brame sort un troisième album, peut-être son plus sinistre, qui me place cette fois hors de la demeure. Je suis dans la cour. Il fait nuit. Le poêle est froid à l'intérieur, je crois. Le billot a fini de boire le sang des bêtes. Les aïeux ne sont plus là ; la momie chétive de Louis-Ferdinand qui pissait sur le pas de porte ; ce petit corps foutu prostré de vieille à qui on avait abandonné les jouets les plus basiques des enfants pour occuper ses mains tremblantes : disparus. Les animaux aussi. Des ombres furtives, mais pas sûr. Du bruit dehors. Entre les arbres. Un sale bruit. Qui agonise dans le brouillard sec ? Est-ce un maquisard énucléé à la petite cuillère ? Le simplet des voisins qui vitupère après avoir asséché sa dernière bouteille de goutte ? L'horloge est un pouls, plus que jamais. Sur ce mécanisme de pendule la guitare geint, se tortille.
Il n'y a pas grand chose dans Brame : le rythme ouvrier résigné, les ronces aux cordes, la voix flanquée là-dedans comme une écharde coriace, une écharde vivante. Cela suffit. L'ampli crache presque non-stop sa limaille. Et cela suffit. Qui espère reste loin d'ici. Ce n'est pas grand chose... on sent qu'il manque quelque chose... mais on serait en peine de dire quoi. Brame joue avec peu d'outils mais en purge une matière brute. Les passages southern sont presque disparu, le seul moment qui évoque les terres de l'Ouest serait à la rigueur la troisième piste... cette Amérique a la couleur de l'établi ; c'est la France, la terre des brameurs éternels.
C'est un groove d'agonie qui vous dresse un Malevil de poche avec la manière sans manières des vrais artisans. L'indus de Brame - ou son rock - ou son blues - tire un maximum parti des moyens limités, comme on fabrique les douk-douk. Le stzzzzzzzzzzzzzzzzzrict minimum, pour le maximum. De sécheresse, d'austérité, de matière nue. Comme une astringence qui nous frustrerait presque d'y ajouter du sucre, sans que jamais on ne se persuade que ce ne serait autre chose que les dénaturer. Non, aucun sucre dans cette musique.
Aucune eau.
Aucun feu.
Quelque chose d'archaïque, qui reste prostré ; une musique de taupe humaine en état permanent de naissance, accouchée par la terre, et réagissant, sans plus de théâtre qu'un nourrisson fraîchement chié au monde, à toute la violence des sensations du dehors, de cet air immense tout autour d'elle comme un néant froid qui n'a rien de commun avec le confort de son humus chaud. Un truc de misanthrope à peine conscient de ce qu'il est, du monde qui l'entoure, seulement conscient qu'il peut bramer, avec l'écho pour seule consolation. Pourquoi se compliquer la tâche à les décrire dans le fond tant leur nom reflète justement à la perfection ce qui les sort à chaque fois du silence : Brame. Brut de chez brut, outre-instinctif. Le râle du né à jamais. Famélique, aveugle, incoercible.
Un boucan comme terreau à une douleur concise, précise. Et ce vent qui souffle jusque dans votre charpente à travers toutes vos briques de carne, sur le mornissime final... vous l'entendrez, comme je l'entends - et vous saisirez d'un casque pour ressentir à fleur de tempe toutes ces choses pointues qu'il charrie dans son sillage. Oui, cela laisse sur sa faim... sans qu'on ne veuille croquer le moindre quignon de plus. Basses Terres est un album sec, rêche, aussi peu amical qu'inviteur. Avec Brame dès la pochette en carton-bois, dès les intitulés laconiques, aucune place pour le racolage. Que vous l'écoutiez ou non, cette rouille de musique est taillée pour les hivers rudes. Et c'est ce lieu ancien dans ma tête, qui au fil des écoutes s'est dilaté pour ne se réduire à plus rien. Qu'un brame.

Raven

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NEW NOISE MAG
Janvier-Février 2016



BLUES DES TERROIRS
Troisième disque du duo touloso-montalbanais, Basses Terres n’a point pour horizon la Guadeloupe ensoleillée et l’electro zouk débridée. Toujours composé de José (Gretsch baryton, granulateurs, cailloux piétinés, cajon basse) et Serge (voix, harmonica, tamis, cymbale, tôles), Brâme chante le blues des estuaires et des embouchures, l’âpre retour à l’origine, le groin dans l’humus, une terre meuble et noire, mais dégarnie, gorgée de métaux lourds. Un blues ancré dans la noise et les friches ambient-drone industrieuses, nocturne et rocailleux, lourd, menaçant et poisseux comme un écoulement de bile et de sang noir, porté par le grain hargneux de la guitare dont les zébrures et les glissandos visqueux rappellent la fameuse BO de Dead Man by Neil Young. « Sanglier », c’est le grenier médocain mis en musique, une battue en solitaire, au couteau ; la Garonne pour Mississippi (« Et si tu peux te perdre du côté du fleuve Il te calmera jusqu'à ce que tu ne puisses plus respirer », comme disait l'autre). Derrière les vagues bluesy et les crépitements noisy retentissent les mugissements douloureux de Serge. Un titre qui aurait aussi pu légitimement figurer dans la BO de True Detective, ou celle de Razorback. La guitare râpeuse souffle sur la braise « Des Feux », se chargeant en électricité, ne cessant de dodeliner du chapeau, pendant que l’harmonica glisse sur l’horizon. On pense aussi à Earth évidemment (« Etrangé »), Across Toundra ou une version lo-fi des Swans pour ce primitivisme blues/noise/drone laissant la part belle à la transe sonique, à l’immensité des espaces infinis, à l’abandon face aux éléments, malgré les salissures d’un ciel voilé. Le couple « Fourches » (Matthew Bower dans ses heures les plus bluesy) et « Friches » (un vol d’étourneaux drone) chevauchent vers des zones plus arides, une lande décimée par un terrible vent sec, avant de s’en retourner vers le fleuve, chargé de limon boueux, pour embarquer sur le frêle esquif de Charon jusqu'au terminus de la gare de triage, lambeau de civilisation planté au milieu de nulle part, sur un languissant drone ferroviaire. Pas de reprise cette fois-ci (même pas de nouvelle version de « When The Levee Breaks » de Kansas Joe McCoy et Memphis Minnie, déjà repris par deux fois par le passé), mais un album plus varié que les précédents, bonifié par une production plus chaude et moins broussailleuse, misant sur la proximité et l’absence d’artifice. Le tout emballé dans un digipack cartonné et sérigraphié, comme le beau booklet looké « coq au sang ». L’amour de la production artisanale partagée.


T.SKIDZ 8/10

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SLOW END
2 mars 2016
http://www.slowend.com/chroniques/?d=2776


Alors bon, le nouvel album de Brame. On va faire de mémoire, parce que Brame fait partie de ces groupes que j'adore, mais - ou plutôt : et, voire : donc - que je n'écoute qu'une fois toutes les morts d'évêque. On va pas passer la nuit à se justifier, mais c'est une histoire d'expérience viscérale, élémentaire, originelle, bref, vous avez déjà pigé ou bien vous ne pigerez pas.

Donc, de mémoire des précédents, on n'avait jamais entendu Brame aussi... orthodoxe, presque rock ; aussi clairement vertébré, articulé, rythmé - ils n'ont pas embauché un batteur, non, pas d'affolement, et ce n'est pas avec Basses Terres qu'on découvrira soudain chez eux une puissante proportion de blues, qu'on leur connaît depuis l'origine, mais... On a le sentiment de rencontrer un Brame qui s'est, sinon rasé, du moins passé un coup de tondeuse ou ne serait-ce que les lames rustres de ciseaux, sur le chaume séché des joues, et éclairci de quelques glaires une gorge encombrée, pour essayer une fois de nous adresser la parole dans notre langue énervée de gens modernes et incisifs... Vous avez saisi le topo là aussi et je ne vais pas ménager le suspens des plombes : rapidement le ton et le timbre s'épaississent, se brouillent, de cette chose plus profonde que l'énervement, et bon sang noir ne sachant mentir, le tord-boyaux se met à faire remonter la caillasse qui reposait au fond du gosier ainsi que sur le lit de la rivière dont les eaux montent et se troublent, et en fait d'incisif le rural vous donne à nouveau deux-trois choses à ruminer ; remonter, ruminer, c'est bien le cas de le dire, c'est bientôt ce qui arrive et submerge un disque qui paraissait vouloir commencer là où les autres disques de Brame s'achèvent, sur ce sursaut d'énergie rebelle, cet effort rythmé - et du reste c'est bien ce qu'il fait, d'une certaine manière, pour nous découvrir ce qu'il y a après : ô surprise, du blues. Et pour une fois, on ne va rien invoquer d'autre en fait de groupes, car pour cette fois réellement ce serait de la mauvaise foi et projeter sur la musique tout ce que l'on sait de ses auteurs et de leurs affinités. Basses Terres mérite simplement qu'on le qualifie de musique blues, à la fois par le fait profondément intriqué à la tradition, et non moins dans le même mouvement viscéralement braméen ; non pas que pour autant cela désigne les disques précédents comme moins bons, ou moins personnels ; mais Basses Terres est cette chose brute et émondée, non pas de toute syntaxe ou articulation, mais de toute divagation, distraction de son rude et direct propos, de toute rêverie, car c'était pour ça qu'il s'était rasé, le bougre, et s'était raclé la gorge : pour nous accrocher sur les oreilles façon guirlande de boyaux deux-trois vérités bien frappées, une paire de grosses claques sur les oreilles comme cela réveille, pour éviter tout malentendu, les yeux vissés dans les yeux

Avant de conclure, narquois, sur un glas rafraîchissant comme un bon coup de blanc sur tout ça.

Basses Terres en trois mots : sanguin, douloureux, corrosif

Gulo Gulo

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Des Cendres à la Cave
7 décembre 2015
http://www.dcalc.fr/

Basses Terres débute par des éclats de voix accompagnés d’une guitare baryton qui marque la pulsation puis s’en va tracer des méandres glaiseux une fois expulsée des enceintes. C’est bizarrement solaire mais également très pâle. Plus proche de l’aube que du crépuscule, lorsque le soleil blafard se cache encore derrière le brouillard sans vouloir succéder à la nuit. La musique de Brame sent l’humus et les fougères, les ronces et la terre grasse gorgée d’eau, elle porte en elle les grognements habituellement étouffés par la canopée, ceux qui foutent la frousse et rappellent que ça grouille là-dessous. Comme un manifeste, le premier titre s’appelle Sanglier et ses huit minutes lui correspondent tout à fait. Dans toute sa majesté, c’est bien à l’animal que le morceau nous ramène. On parcourt avec lui les sentiers, on traverse les murs végétaux et on essaie de survivre à la nuit. Brame a un petit quelque chose qui rappelle fortement Earth, un truc indéfinissable qui fait que lorsqu’on l’écoute, on part en errance avec lui. Mais là où Earth préfère le désert et l’éclat minéral magnifié par le soleil, Brame opte pour la forêt et les friches organiques. Basses Terres fait naître un road movie – bucolique certes mais surtout inquiétant – dans le crâne, un road movie qui n’aurait que faire des routes. Il faut dire que le duo n’a pas son pareil pour communiquer ce qu’il a dans le ventre. Extrêmement rugueux, il se fout des fioritures. Pourtant, rien n’est approximatif dans sa musique. Elle est simplement brute et rejette bien loin l’embellissement. Mélange de noise sèche et de drone pelé, de poussières de blues bien singulier, Brame expulse une mixture que l’on pourrait qualifier de tribale, voire de primitive, en prise directe avec le magma qui court sous les pieds. La voix n’est qu’un râle, un cri, un grognement dont s’échappent quelques mots de temps en temps. Elle ne dépasse jamais le pré-verbal et pourtant, on comprend tout à fait ce qu’elle communique.

Même chose du côté des instruments, difficile d’identifier les mélodies, les ponts et tous ces trucs qui font habituellement qu’un morceau paraît construit. À la place, des riffs distordus, répétés ce qu’il faut pour qu’on s’y enferme, des proto-percussions, des frottements, des bruits et parfois un harmonica lointain qui danse avec les volutes de slide. La musique de Brame est primale et s’adresse donc aux tripes. Attention, elle n’a rien de bas du front, elle évacue simplement toute forme de sentiments pour viser les émotions. Les plus brutes, celles qui prennent naissance au creux du ventre et court-circuitent le cortex. Elle touche donc en profondeur, elle s’insinue et on finit par s’y perdre. Les pièces se fondent les unes dans les autres, elles semblent ne jamais s’arrêter quand l’ensemble frise à peine les quarante minutes. Quand la fin arrive, elle est abrupte. Bardé d’un attirail de matériaux destinés à rendre sa musique plus vibrante encore – cailloux piétinés, tamis, cymbale frottée, tôles – le duo donne l’impression d’à peine contenir ce qui sort de ses doigts. Comme s’il était le média d’un flot indomptable qui ne demande qu’à sortir : Sanglier et ses cris, Des Feux et ses zébrures de slide corrosives mêlées d’harmonica fantomatique, Etrangé qui suit exactement le même chemin, Fourches et ses neuf minutes proto-industrielles superbement mal dégrossies, Friches et sa lente agonie. Tous dessinent les contours d’un pavé d’émotions brutes, palpitant et hypnotique. Les choses étaient déjà bien posées lors du précédent, elles ne s’arrangent pas avec Basses Terres et ça tombe bien, ce n’est surtout pas ce qu’on leur demande. Le son est toujours aussi crade et envoûtant, la Gretsch baryton continue à gronder au même titre que la voix, les contours demeurent bien noirs et écorchés, ils peinent à contenir les lames de fond grondantes qui pullulent de gerbes de vie.

C’est finalement ce que l’on retiendra en premier lieu de cet objet sonore : ce que l’on trouve au creux des sillons, c’est la boue et c’est la vie. Disque-écosystème qui donne l’impression d’avoir branché la platine directement sur les frondaisons, on y entend le son de la faune et de la flore passé par le prisme de l’humain. Superbement emballé sous une pochette en carton sérigraphiée, l’objet provoque de sacrés remous et fait vibrer des zones tellement enfouies et fondamentales que l’on avait fini par les oublier.

Leoluce

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Obsküre Magazine n°27
Janvier- février 2016

Cinq titres et presque quarante minutes de sonorités déchirantes, blues industriel et rock primitif. Au sujet du disque précédent (le très bon 'La Nuit les Charrues'), je citais le film 'Razorback'. Depuis le groupe a généré en live une envoutante bande-son pour le film muet 'Le Manoir de la Peur'. L'expérience a été profitable si on juge par l'écoute de ce "Basses Terres". Les mélodies se calent sur des bases rythmiques en boucle et les paroles se font cris (« Sanglier ») tandis que chacun des titres s'enchaîne à celui qui le précède par une courte transition plus calme. Le packaging est une nouvelle fois super soigné, élégant dans le choix du papier et de ses teintes terreuses / café noir (cf le site vilgato.blogspot.com). Disque des insomnies et des cérémonies les plus brutales (« Fourches »), union d'instruments traditionnels et de matériaux rudes (cailloux piétinés, tôles, tamis...), Brame offre une musique cérémonielle chaude et violente, insoumise en tout point.

Sylvaïn Nicolino 85 %

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Casbah Records
janvier 2016
https://casbah-records.com/webzine/brame

Le brouillard duquel émergent les squelettes métalliques des pylônes électriques, silhouettes fantomatiques accentuant la morosité des arbres nus, désespérés d’attendre le retour du soleil source de toute vie.
Les bois, sombres intercalaires entre les parcelles agricoles à la géométrique rigueur, desquels s’envolent des nuées d’oiseaux noirs.
La boue omniprésente jusque sur les routes, apport constant des tracteurs sillonnant sans cesse les axes du canton, rare manifestation d’une présence humaine.
Le hangar aux tôles rouillées affrontant stoïquement le vent battant sans cesse les reliefs des plateaux livrés à l’obsession céréalière.
La verticalité d’un silo, lointaine cathédrale agricole dominant l’horizon.
Les Hautes Terres.
 
Le ciel de coton anthracite, appuyant sur les épaules de l’Univers visible.
L’omniprésence lassante de l’interminable hiver.
Le vol des corbeaux faisant résonner leurs croassements lugubres dans l’air humide et froid.
Les villages aux maisons mortes et fenêtres noires, aux rares cheminées fumantes.
Le volet disloqué claquant dans le vent.
Le drapeau tricolore usé, délavé, pendant tristement, mouillé, sur le monument aux morts dont personne ne se souvient qu’ils aient vécu.
Les pâtures, rares ilots de verdure entaillées par le ruban noir de la rivière peinant à drainer les parcelles saturées d’eau stagnante.
Les hérons efflanqués au lourd vol ptérodactyle, planant au-dessus d’immenses peupliers dévorés par le gui.
L’arbre mort incliné dans la chute figée de sa lente agonie.
Charrue rongée par la rouille, laissée là à pourrir depuis des décennies, vieux pneus, remorque caduque, amoncellement envahi par les ronces.
Mousses gorgées d’humidité et lichens baroques vampirisant la vitalité des arbustes des sombres friches marécageuses. Cloaques spongieux.
Les Basses Terres.
 
C’est de tout cela dont nous parle Brame, qui rappelle que non, la campagne ne (se) vit pas seulement l’été, coquelicots et rouge-gorge, barbecues et apéros dans le jardin, déjeuner sur l’herbe et dormeur du val. Brame est l’ultime antidote au bucolique.
 
Brame nous parle des sangliers, masses sombres, hirsutes et disgracieuses, pas des chevreuils graciles.
Brame se frotte aux feux, protectrices sources de chaleur contre la rigueur hivernale. Craquement froissé du papier que l’on chiffonne à la va-vite, craquement sinistre de la cagette que l’on démembre, craquement – enfin ! - de l’allumette ; les feux, crépitants remèdes à l’hostilité humide et froide des extérieurs.
Brame évoque l’étranger au village, celui dont on ne connaît pas la voiture, celui vers  lequel on tourne un œil hostile en se demandant où dont qu’y « reste ». 
Brame manie la fourche, pas le râteau à feuilles.
Enfin, aux forêts de chênes centenaires au sol tapissé de petites fleurs blanches, Brame préfère les friches, enchevêtrement d’épineux qui déchirent les vêtements et lacèrent la peau de qui s’y aventure.
 
Guitare rugueuse à la tessiture de gravier, hurlements, invectives lancées à la face des divinités du paganisme rural (John Deer et saint Hubert en tête) : Brame extériorise le désespoir pathétique d’un hiver éternel. Une noise  sobre, aride, calcaire. Rêche.
La musique de Brame, âpre et ardue, peut être vue comme une métaphore des territoires ruraux, marginaux, à l’écart des facilités et des tentations vaines, où les haines irréductibles côtoient les plus belles solidarités, où l’Homme, face aux difficultés existentielles, trouve matière à méditation. Espaces à l’immobilisme feint, où pourtant la succession des saisons se fait sentir avec le plus d’acuité, de la lumière à l’obscurité, de l’obscurité à la lumière.


NicolasGougnot

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MITHRA TEMPLE
http://mithratemplezine.tumblr.com/post/139866156524/chr%C3%B6nique-brame-basse-terre-2015
février 2016

  Vibration ancestrale parée d'un superbe digipack sérigraphié Basse Terre est le deuxième album de Brame, un duo qui a la particularité de signer une expérience auditive principalement à l’intersection du blues, du noise rock, et de l’industriel. 

 Dans ce nouvel opus le groupe nous invite à errer dans les décors d'un western qui se déroulerait dans la France périphérique et ses villages en déshérence, des espaces où il ne reste plus que les résidus du monde d'autrefois, et où les hommes de chair et de sang se sont fait fantômes et ombres furtives…Il s’y développe, certes, un champ lexical propre à la ruralité, mais il est loin d’oblitérer le poids de l'urbanité dans l'atmosphère globale que dégagent les cinq pistes de Basse Terre !

  Bien plus compact que La nuit, les charrues​.​.​., l'album précédent de Brame,  l'auditeur est happé dans un tourbillon de réminiscences familières et de territoires inconnus qui se dessinent devant ses yeux ; la pulsation animale guide le rythme pour d'inachevées mélodies sur lesquelles s’étouffe le gémissement d’une rage primordiale. Basse Terre est addictif par son intense tellurisme - qui peut prendre le visage d’un doom “primitif"-  mais il laisse aussi planer des invitations à la contemplation.  

 Il semble être la quête de l'Homme, du frère d'arme, du camarade sur qui l'on peut compter, mais tout cela n’est-il pas un amas idées venues d'un autre temps ? Et c'est ainsi que Basse Terre évoque une inconsolable blessure à jamais béante d'où suinte une incroyable relecture brute, lourde et industrielle du blues nourrie d’un minimalisme organique et hypnotique. Sincère et intuitif Basse Terre est un cri du cœur auquel il est impossible d’être insensible !

Brame : Facebook

Lawofsun. 

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THRASHOCORE
mai 2016

http://www.thrashocore.com/…/6648-brame-la-nuit-les-charrue…

Originaire du Sud Ouest de la France, ce duo a su faire son trou à la sueur de son front et au fil des sorties. En effet, après un premier album paru en 2009 Brame enchaîne et enfonce le clou avec notamment La nuit, les charrues... (2013) – dont il est question ici – mais aussi le dernier-né Basses terres (2015) grâce auquel j'ai pu le découvrir sur le tard. Et ma première rencontre avec cette entité atypique ne s'est pas faite non sans mal, délivrant une musique de fin du monde à la fois aride, brute et lancinante : une plongée douloureuse dans une ruralité terne, rongée par l'exode et l'urbanisation galopante. Les musiciens semblent façonner leur univers dans la douleur et de leurs propres mains, à l'image également des beaux livrets CD en papier cartonné faits maison ainsi que des artworks très sobres de Serge, renforçant l'aspect artisanal de l'ensemble et cette impression d'Art Total. Suivant le sillon tracé par Tenaille, et réalisé une nouvelle fois en autoproduction, ce second long format offre une vision toujours aussi grisâtre mais dans une version enrichie et plus rustique.


Une production davantage puissante et lisible qui met en relief les divers arrangements, un « The levee » (ou « When the levee break... ») – tiré du premier album – remanié ici pour le meilleur avec une introduction et une outro gagnant en profondeur mais aussi ce morceau d'ouverture sonnant le début de la transhumance : Brame monte le niveau d'un cran sans forcer. Le groupe peint son décor à grand coup de pinceau, étalant ses couleurs fauves et vous plongeant dans la campagne profonde grâce à de nombreux samples et bruitages idéalement placés, comme ces cloches sur « Monségur », ou encore par ces titres évocateurs tels que celui cité précédemment ainsi que « Malebête » et « Araire ». La musique vient compléter le tableau grâce à des touches blues redneck à la française nettement plus présentes (« Malebête » en est un bel exemple) – me renvoyant à Alexandre Hogue – mais aussi de petits éclats blafards s'échappant de ces nappes sonores minimalistes et acrimonieuses. La mélancolie vient vous cueillir durant la première partie avec notamment ces riffs rêches et simplistes qui, couplés aux ambiances brumeuses, collent petit à petit le bourdon. Alternant spoken word blasé et chant hurlé au mégaphone, les vocaux de Serge plombent et électrisent un peu plus l'atmosphère. Placés au second plan, ces derniers confèrent un côté lointain comme si l'humain n'était finalement que secondaire, un ornement passager.

La nuit, les charrues... montre une facette plus variée et organisée de ce duo capable de vous transcender avec des sonorités de bric et de broc portées à bout de bras. L'histoire contée par Brame défile sans accrocs, corsant son jeu au gré des minutes par des sonorités plus hermétiques et glacées : guitares grésillantes dévorant l'espace (« Araire ») ; boucles répétitives (« The levee »). L'ambiance s'assombrit au gré des minutes, à mesure que le côté tellurique prend le pas sur le reste. La tristesse fait place au désespoir puis au malaise comme vous pouviez déjà l'entendre sur Tenaille. Cependant le duo accentue le trait sur ce second album grâce aux nombreuses touches noise et arrive ainsi à vous tenir en haleine de bout en bout malgré la rudesse des sonorités. Le mélange drone/noise/blues minimaliste de campagne française avait de quoi interloquer et faire sourire sur papier pourtant tout s'éclaire une fois le disque lancée avec notamment le long titre fleuve « Démolition » clôturant parfaitement l’œuvre. Cette seconde partie aux allures post-apocalyptiques vous rappelle d'ailleurs aux bons souvenirs des vieux films S-F de l'Hexagone. Une bande-son idéale qui aurait très bien pu servir de toile de fond à l'ovni Malevil.

Si Brame s'est forgé un univers unique et singulier sur son premier album – piochant ses influences dans la scène américaine pour les réinterpréter à sa sauce –, ce dernier le sublime avec La nuit, les charrues.... Plus rigoureux, abouti et par la même plus accessible : les superlatifs s'enchaînent pour qualifier ce second album. D'ailleurs les amateurs/rices du genre ne s'y sont pas trompé(e)s, la formation cumulant les succès d'estime depuis quelque temps. Un succès certes plutôt confidentiel à la vue du style pratiqué et qui j'espère grandira encore d'ici là. Un groupe fortement recommandé pour les fans de musiques lentes, ternes, contemplatives et racées !


Dysthimie

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SATAN OWES US MONEY
mercredi 22 mai 2013
http://satanowesusmoney.blogspot.com

La Nuit, les Charrues... est moins indus que Tenaille , au sens ambient drone, au sens paysage en friche sonore, au sens bande originale de rêves, du terme. La Nuit, les Charrues ... est plus indus que Tenaille , au sens empilade de morceaux en forme d'acharné et mécanique concassage et aliénation des cerveaux. La Nuit, les Charrues ... est toujours résolument indus, en tant que musique de la peine, de l'homme de peine. Mieux que de la musique industrielle, cependant, La Nuit, les Charrues ... est sa sœur la musique agricole. Parce que comme de juste, Brame est toujours aussi fichûment blues : douloureux, renâclant, lancinant, dur, habité par la foi autant que la rancœur. Les étroits d'oreille continueront de trouver cela répétitif et simplet ; ceux qui ont dans une région de la tête des champs à perte de vue y trouveront musique à leur humeur, pour biner encore et encore leur cerveau poussiéreux toute la brûlure du jour durant. Parce que La Nuit, les Charrues... est plus hardcore que précédemment, en ce que, non seulement Brame ne se racontent pas à quel point ils sont blues, se caressant les barbes qu'ils ne portent pas et vous racontant tous les infâmes bourbons qu'ils n'ont pas bu, se contentant d'être aussi ruraux et bruts que peuvent l'être ces deux aimables ours lunaires, mais encore ne prennent-ils même pas la peine et le raccourci faux-ami de jouer américain, pour faire encore plus court et direct : brut, a-t-on dit ? Brame œuvre à la réhabilitation - et à l'appropriation, en passant - de l'épithète "viscéral".
Bref : les deux vieilles carnes aboient encore comme des loups, et du fond de leur grange avec leurs ustensiles bricolés au fond de la remise, ou l'inverse, avec leurs scies et leurs masses, viennent vous rappeler la saine joie de l'acharnement, et le blues.


Gulo Gulo

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BOUMBOUMM
http://boumboumm.blogspot.fr/2013_11_01_archive.html

Aah... voilà du bon blues! Ultra imprégné de crasse, de vieilles industries qui puent la sueur, de dur labeur. Ici on crie la rage grise, on est en France et comme partout c'est la putain de crise. Les temps son durs, il nous faut du son qui reflète ces angoisses, ces questions. Un cd à n'écouter qu'en tant de crise? Non évidement. Ça va bien plus loin. C'est même très réfléchi. Posé. On aime. On aime pas. Toujours est il que cet ovni musical est le pur blues de l'air 2000. Comme autre fois, une musique par des jeunes, pour des jeunes qui en ont chié, qui en chient, qui en chieront.. Non ils ne sont pas noirs...et alors ?... écoute et tais-toi.

Lénaïc et Mathieu

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L'EMBOBINEUSE
http://www.lembobineuse.biz

Blues outillé faisant pénitence dans la boue....
Fouette moi avec un bout de fer rouillé !

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DES CENDRES A LA CAVE
20 Juillet 2013
http://descendresalacave.blogspot.fr/


Un puissant système audio ne saurait embellir un son pareil. Là où beaucoup tendent à aseptiser les déjections électriques de leurs instruments, Brame n'en a tout simplement rien à faire. De vieux écouteurs trouvés dans une poubelle rongée par les années pourraient amplement suffir pour optimiser son écoute. Des instruments fabriqués à la main, faits de vieux débris trouvés ci et là, raccommodés au gros scotch, jonchés de poussière et de résidus rocailleux en tout genre. Des amplis au bord de l'implosion, des cordes qui frôlent la rupture. C'est ce qui frappe d'emblée lorsque les premières «notes» entrent en jeu. C'est également un amateurisme flagrant, fruit d'une musique qui semble pleinement improvisée mais jamais réellement domptée, qui saute aux yeux. Tel un équidé pris de folie, imprévisible, dangereux. Et pourtant. Une musique de cow-boys aux traits lourds, pour qui les décennies passées au milieu des étendues jaunâtres, arides et quasi-désertes ont fini d'user leur corps. Un lieu insalubre, sorte de baraquement presque effondré, où murs porteurs et poutres vacillent au moindre éternuement. Le sol craque, grince même, sous la force des coups de pieds, en rythme. Nous plissons les yeux, nous-mêmes, face à une telle violence infligée à nos oreilles. Et pourtant. 

Une figure qui ne tient pas à être appréciée, admirée, aigrie par ses années de labeur au service d'une récolte dorée pour le moins ridicule. Un vieux con pour qui les seuls centres d'intérêts se résument à mâchouiller la paille et lâcher des glaviaux sur les seuls êtres égarés près de sa propriété, alors que la pendule résonne, résonne, dans cet habitat insalubre ( Malebête ). Il s'agit là de blues-rock... à ce qu'il paraît. Et pourtant, nous avons affaire à bien plus que ça. Car Brame n'en a strictement rien à faire des étiquettes, écorchant ses instruments avec nonchalance, transcendant les styles et leurs us et coutumes avec autant de je-m'en-foutisme. Cette guitare saturée, omniprésente, interpelle par son charisme, sa monumentale force de caractère, aussi mal accordée et défraîchie soit-elle. Les cordes semblent flotter, se percuter à chaque grattement de médiator. À la manière d'une voix rauque , transformée à petit feu par un tabagisme intense, chaque vibration se fait entendre. Les voix, parlons-en. Point de textes à proprement parler ici. Des cris, étouffés mais bien palpables, habités. Habités d'un terrible effroi, d'une certaine rage, d'une folie certaine. Les mots ne se distinguent plus, seul le sentiment demeure. Un sentiment qui glace le sang. Défiances en devient assurément le summum, l'harmonica en toile de fond n'aidant pas plus à nous rassurer. C'est ce même morceau qui vient alors scinder l'album en deux, laissant place à des titres plus atmosphériques, notamment parcourus de field recordings ( Démolitions ).

Brame signe ici un album très singulier, mais qui excelle dans ses approximations. Un râle continu, quarante minutes durant, mis en musique au travers des différents effets adjoints. Les deux Français ne sont certes pas des musiciens hors pairs, mais captivent leur auditoire, avec la plus grande indifférence. Car dans ce brouhaha électrique cuit à point, tout semble fonctionner, sans que l'on puisse foncièrement comprendre comment c'est possible. Mais le fait est là, La nuit, les charrues... est une tuerie. Difficile d'en dire plus.
Vivement recommandé.


Inoui

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K FUEL
Radio Show sur Canal B / Podcast
12 septembre 2013

http://kfuel.org/radio/playlist12092013

Deuxième album pour ce duo bordelais qui apprécie tout autant les musiques ambiantes et industrielles que le blues le plus primitif. En résulte un disque malade ou s'entremêle accords du Delta et succession de drones. Le ton est singulier, âpre, répétitif et assez fascinant. De temps en temps, un chant lointain écorne les différentes strates de guitares slide. A la manière d'un Mendelson mais dans un autre registre musical, Brame en impose par la personnalité affirmée de son univers musical. Pas de prisonniers, tu aimes ou tu dégages. Du Royal Trux joué par SPK . Le seul défaut de ce disque intense est sans doute la longueur des titres. Brame s'écoute encore un peu trop jouer et semble se satisfaire de la contemplation de son isolement musical. Un bain de noirceur.

GwenK

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TERRES ETRANGES
Musiques pour jeux de rôle sombres
http://www.terresetranges.net/forums/viewtopic.php?pid=11201
19 Septembre 2013

Genre : post-americana, musique concrète
A écouter : le jour quand on s'emmerde, et la nuit quand on a peur.
Pour jouer à : Millevaux, Dead Lands, Mississipi, Apocalypse World
Comme au cinéma : Dead Man, The Assassination of Jessie James, La Colline a des yeux


Saviez-vous qu'ils ont restauré l'église de fer de Crusnes ? Je trouve ça scandaleux. Je me console en me disant que la musique de Brame n'en finira jamais de rouiller.

Cette post-americana rurale est une écorce de cordes qui labourent la nuit noire. On avait quitté Brame aux abords d'une gare désaffectée avec Tenaille , on le retrouve plus recentré sur les guitares, rêches à s'en faire saigner les doigts, des socs pourris tirés par des chevaux qui n'en peuvent plus. Les field recordings sont moins présents, ou intégrés aux cordes de façon organique, ces lichens qui se confondent avec leur support. Ainsi, ce clic-cloc de pendule qui devient le bruit des outils qui s'entrechoquent dans une grange, qui est finalement celui des cordes. Tu ne sais pas où tu es, tu ne sais plus.

La nuit, les charrues est d'une texture hérissée, farouche. Un grand petit album, à ranger tout près de la BO de Dead Man par Neil Young, de Lashing The Rye d'Harvestman et du drone sec et désertique de Earth. Plus humble et plus efficace encore. Chaque corde est plaquée contre votre visage et vous lacère comme un vieux barbelé rouillé.

Si ce son, râpeux, sailli de rares hurlements lointains, au mégaphone ou un mouchoir sur la bouche, est une parfaite bande originale pour Millevaux, il en sera de même pour toutes vos explorations désertiques, rurales, forestières, western, vos descentes sous acide, dans des profondeurs mal habitées.

Une nuit de longues introspections dangereuses entre deux fulgurants assauts. Une nuit à courir pour échapper aux ogres des campagnes. Une nuit à converser avec des frères morts-nés dans des granges situées dans les limbes. Une nuit à attendre que la nuit passe, que le soc passe, que la douleur passe. Une nuit à progresser aux phares dans un terreau de ténèbres. Une nuit pleine d'une absence qui enterre tout. Une nuit à fouiller le sol à la recherche de ses ongles, des ongles des morts, des ongles des cordes. Une nuit à se pendre.

Thomas Munier

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GUTS OF DARKNESS
http://www.gutsofdarkness.com
(samedi 22 juin 2013)


Les seules choses que j'ai pu lire de Brame, je les tiens d'un ami les connaissant lui-même de longue, qui les décrit comme une affaire d'agriculture. Ce que j'ai entendu sur "La nuit, les Charrues", n'ayant jamais écouté leur premier album, est d'abord une affaire d'horlogerie. Tout le monde semble donc d'accord sur la nature profondément artisane de Brame. Leur blues-rock est une grosse horloge, trônant, sinistre masse de bois usé et de mécanismes rouillés, au fond de la salle à manger d'une famille minière. Chez Brame, on a rien à prouver, rien à donner en spectacle, rien à salir où à violenter avec calcul. On ne joue pas le blues, le rock, l'indus, le noise, le hardcore, ouate-seau-héveure. On les fabrique. On les épluche comme des patates dans Germinal. C'est un travail. Un travail qui ne paie pas. Les pincements de cordes sont totalement amateurs, familiers comme le pain. Pesants, gouttes de plomb sur le moral ouvrier, ils tombent. Acharnés, jusqu'au saturnisme de l'âme. Simple mais douloureux édifice sonore dressé en plein boyau de la précarité rurale. Brame sont impavides comme ces vieux ouvriers qui épluchent depuis longtemps, qui fouanent la petite misère.
Non, on a pas envie de souhaiter un bon avenir à Brame (comme on le fait pour les groupes du terroir dont nous autres fils de putes entendront habituellement les démo cradingues avec un sourire en coin bienveillant et quelque peu complaisant), tant la musique de Brame nous semble déjà vieille, et usée comme le bois de l'horloge. Pour les affaires de références me venant directement à l'esprit, au-delà de l'effet Swans de leurs insistances, "La Nuit, Les Charrues" est souvent mené façon "Bone Machine" bloquée sur ralenti-moteur, par ce hurlement emprisonné dans un vieux transistor d'avant-guerre en guise de vaudou, bramant (...). Le brame chez Brame est un outil, pas plus important que le reste. Il est fiché là, simple clou dans nos aubarasses généreusement lardées. Brame, pour enfin en finir avec toutes ces redondances - appropriées au sujet cependant - est épais. Comme la corne sur ses mains. Et comme cette corne, la grosse peau dure des travailleurs, Brame n'est ni malveillant ni bienveillant. Juste corne, se contentant de brunir et d'épaissir au fil des coups de pioche du quotidien. Brame est ainsi : un petit groupe de bordelais de 2013 qui sont peut-être des campagnards du fond du centre de la France en 1913, allez savoir... Un disque fabriqué par deux gars, avec des outils, à conserver sous les débris de nos cartons comme le daguerréotype anonyme d'une locomotive éventré
e.

Raven

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CASBAH RECORDS[ radio-webzine ]
http://casbah-records.com/radio-webzine/chroniques/brame

Maurice Agulhon, dans un texte introspectif publié en 1987, tentait de classifier les communistes repentis, dont il était, en quatre catégories. La première contenait les déçus, totalement dépolitisés, la seconde ceux qui, considérant le communisme comme le Mal, ont fini par militer à droite. Les membres de la troisième catégorie ont évolué vers la social-démocratie, tandis que la quatrième catégorie concerne ceux qui considèrent que le communisme n'est mauvais que depuis Staline et qui s'accrochent au bolchévisme, ce sont les gauchistes. Quel lien avec ce qui nous préoccupe ici, à savoir le rock sous presque toutes ses formes ? Un jeu de l'esprit, ayant en tête que comparaison n'est pas raison. Car quel est le Mal absolu pour le rocker de bon goût ? Le metal. À ce seul mot, certain frémissent d'angoisse tandis que leur peau se parsème de petits reliefs, c'est la chair de poule.
Jouons donc un peu. Transposons le metal en lieu et place du communisme dans la classification de l'estimé historien décédé il y quelques jours. La première catégorie concernerait alors ceux qui, vie active et familiale aidant, ont troqué leurs t-shirts Guns'n'Roses pour une chemisette Decathlon™ et sont devenus auditeurs de Rires et Chansons ou de RMC. La seconde catégorie comprendrait ceux qui, lassés de la présumée vulgarité du rock, se sont tournés vers quelque autre anti-vulgate musicale tout autant stéréotypée (le rock indie 90's, par exemple, dont les tenants originels vouaient un réel mépris aux metalleux d'alors). Les gauchistes de catégorie 4 ont conservé leur amour de la violence : noise, sludge, hardcore et compagnie. Enfin, ceux qui m'intéressent ici, les tenants de la catégorie 3, qui ont progressivement évolué, parfois en passant par 4, vers des formes plus apaisées du rock tout en conservant la dynamique déviante et l'amour du riff. Je confesse que c'est mon cas. Je confesse également que je ne me situe pas toujours dans la catégorie 3, mais que je reviens régulièrement à la case n°4. Ainsi, j'aime à m'écorcher les oreilles à l'écoute de Brame. Le lien entre Maurice Agulhon et Brame n'est pas évident, me direz-vous. Comme vous y allez ! Le premier est l'auteur de "La République au village", les seconds, de "La Nuit, les Charrues..." Il est donc question de ruralité, qui m'est chère. Quant au thème de la sociabilité, il faut concéder une nette divergence. Car Brame n'offre pas une musique sociable, c'est le moins que l'on puisse affirmer ! Il s'agit davantage d'introspection, nécessairement solitaire.
Car "la nuit, les charrues" écorchent la surface de la terre en de longues saignées parallèles et grasses, qui cicatriseront en boursouflures bientôt estompées par l'action combinée de la pluie, du gel et de la herse. Au petit matin, gris et pluvieux, des colonies de corbeaux croassant viendront se repaître de la masse grouillante des lombrics violemment extraits de leur abri chtonien par le travail des lames d'acier froid.
"La nuit, les charrues..." font tinter les pierres calcaires parsemant le sol, son résonnant tristement dans la vallée, porté des plateaux par le vent d'ouest, celui qui apporte la grise douceur océane en même temps que la pluie.
"La nuit, les charrues" balafrent le limon. Dans l'aube triste, les nuances de vert et de jaune seront remplacées par le marronnasse à perte de vue, troué de loin en loin par les taches gris bleuté des bosquets dont les arbres dressent leurs branches nues, supplications résignées et vaines au ciel anthracite.
"La nuit, les charrues", accompagnées du bourdonnement monotone du tracteur, éventrent la glèbe dans un grincement sinistre, tâche éclairée par les projecteurs qui trouent l'obscurité. L'homme, seul dans son engin, ressasse ses angoisses dans cette dissection boueuse, les tourne et retourne au fil du travail monotone,
Allers et retours,
Allers et retours,
Allers et retours constamment répétés.
C'est tout cela qu'illustre l'album de Brame. Un blues entaillé, déchiré, lacéré, scarifié et glauque. Une noise lente, répétitive, lugubre et rauque. Une musique hivernale qui fouit dans nos entrailles, mettant au jour, ou plutôt à l'air, nos malaises et nos angoisses. Qui nourrit les corbeaux de nos sombres pensées. Pour mieux les satisfaire, afin que, repus, ils finissent par nous foutre la paix, qu'on puisse apprécier la beauté d'un jour naissant et plein de promesses. Un nécessaire contrepoint aux Growlers, en somme.
Finalement, "La nuit, les charrues.." font leur travail de charrues : elles retournent le sol pour préparer le lent et patient travail de la terre, gage d'une récolte abondante et nourricière quand reviendra l'été paisible et ensoleillé.

Nicolas Gougnot

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HEAVY MENTAL
mercredi 7 août 2013
http://666rpm.blogspot.fr/


Je me souviens de Tenaille , le précédent album de Brame, un disque qui m'avait pris par surprise comme un chien enragé et un peu débile vous saute à la gorge ou vous attrape par les couilles pour ne plus lâcher prise. Et ça fait mal. Les deux BRAME (José à la guitare baryton et aux grésillements divers et Serge à la voix, au mégaphone et préposé à la marmite à chaux vive) sont de retour avec La Nuit, Les Charrues… , un nouvel album tout aussi auto-produit et encore une fois doté d'une illustration superbe et emballé avec un luxe artisanal qui rendrait presque à l'objet CD tous ses titres de noblesse. La musique de Brame n'a pas réellement changé depuis Tenaille , on y retrouve toujours ces bidouilles faites mains, ces percussions pédestres et minimales, ces fields recordings parasitaires, cette guitare qui cisaille allègrement les oreilles, cet harmonica maléfique et ce chant de forçat qui vous hurle sa douleur dans la tête et tant pis si vous êtes déjà sourd, Brame hurlera toujours plus fort. Ce qui a changé c'est le resserrement, l'épaississement de la sauce si on veut : Brame, tout en prenant son temps, le temps imposé par une moiteur intolérable, semble se disperser un peu moins, ne plus jouer autant qu'auparavant sur les longues distances… Mais ce n'est qu'une illusion, assurément encore un mirage provoqué par la chaleur et la soif ; car on a bien sûr vérifié et les sept titres de La Nuit, Les Charrues… ne sont pas moins longs que ceux de Tenaille . Ce qui change, c'est la façon de remplir ces espaces implacables, d'y coller toute la dureté et toute l'âpreté dont on est capable pour faire exploser la viande de l'intérieur, comme une charogne gonfle du bide sous le soleil avant de faire gicler tout son pus dans les airs et d'infester les alentours d'une odeur aussi pestilentielle que persistante. Brame ne laisse donc pas trop le choix et ne fait pas de cadeau, quitte à prendre le risque de devenir épuisant et la musique de ce duo a beau être d'un minimalisme aride à faire pleurer et remuer les cadavres enterrés depuis des années, elle prend également énormément de place, bouffe le peu d'air respirable qui reste encore, étouffe toute résistance et dessine sur nos peaux craquelées des signes annonciateurs d'une mort certaine. Dead Man c'était vraiment de la rigolade pour enfants.

* j'en ai d'ailleurs une de question : il y aurait un lien entre Brame et Guimo – une chronique de l'album Lotophage 
à lire ici – mais je n'ai toujours pas compris lequel…
Etagères : 
Chroniques disques


Haz Modoff

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SLOW END
Juillet 2013
http://www.slowend.com/c/?d=1667

Avais-je dû à l'époque de Tenaille davantage deviner le blues que l'entendre ? Difficile à dire, d'ici, une fois qu'on l'a entendu, une fois qu'on les a vus le jouer, aussi...
En tous les cas, cette fois-ci, du moins là-dessus n'y a-t-il plus de mystère, plus de doute ou de mirage : on le hume à plein poumon, ainsi qu'une riche, puissante odeur de fumier. Normal, eh ! C'étaient déjà pas des perdreaux de l'année, ils ont pas rajeuni entretemps. Et le blues les obsède, ces hommes-là (hein ? encore une version du riff de Levee ? vous voulez vraiment pas dégueuler du riff inédit par palettes entières, comme tout le monde, plutôt ?) ; ou les habite ; ou les nourrit, plus simplement, comme fait l'air, parce qu'il leur paraît aussi naturel et sans phrases que pisser un coup. Mais néanmoins il leur rôde aussi dans l'esprit, et ils le travaillent, sans fin, le besognent, à la chignole, au fond de leur cagibi enfariné de sciure, avec la même application de semi-ours que leur camarade Guimo là-bas dans la forêt voisine - car il y a et d'évidence au moins autant de lui, de ses spectraux airs de Daniel Darc remonté dans l'arbre, que d'Unsane, de Hems et de Godflesh dans les longs et acharnés assauts que soutiennent les frères Brame contre leur matériau de travail, au soc, à la bêche, au rabot, au râteau, à la pioche - et durant lesquels point ne devez vous attendre qu'ils fassent trop attention à l'identité exacte dudit matériau, terre arable, morceau de charpente tombé, votre pauvre truffe, ou leurs propres panards, qui leur arrachent des hurlements transis qu'ils attribueront sans se démonter ni remarquer le sang, à l'effort qui déchire les muscles exténués, signifiant par là qu'on est sur la bonne voie, et qu'il faut continuer de s'échiner et s'échiner et s'esquinter, jusqu'à ce que la nuit tombe, et que la bête aussi, enfin l'œil jaune mi-clos sur la campagne et son inquiétant fourmillement nocturne, le balancement du labeur s'attardant encore fantomatiquement dans les membres engourdis par l'arrivée des rêves, le blues vissé au trognon, à perpète.

La Nuit, les Charrues... en trois mots : fier, inflammatoire, labourant

Gulo Gulo

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ROTATIONS VARIABLES
http://rotationsvariables.blogspot.fr/2015/11/brame-basses-terres-2015.html
9 novembre 2015


Ce doit être le dérèglement climatique mais cette année le Brame se fait plus tardif.
Cela fait même deux ans et demi que le dernier avait eu lieu, La nuit, les charrues ... j'en frissonne encore.
Au programme la ruralité, les travaux des champs, les bêtes sauvages, les friches et l'inconnu.
Alors que la rouille habitait La nuit, les charrues ..., c'est la terre lourde, sale et collante qui s'incruste dans les doigts usés des travailleurs des Basses terres qui est à l'honneur ici.
Une ambiance rustique/mystique à la Earth  en version française et originale (ce n'est pas du plagiat, de la relecture, c'est une identité propre et forte).
Tout d'abord déboule un étrange Sanglier, à la fois furie primitive hurlante, dissonante et également monstre mécanique imperturbable répétitif.
On se dit que les relents de blues du précédent album sont oubliés et qu'une paradoxale musique industrielle rurale se met en place. Fausse piste, Des (contres) feux sont allumés, le blues revient en puissance, sale, déluré, sexuel, hurlé, archaïque et lancinant avec une vrai rythmique tellurique qui le martèle.
Arrive en cette terre hostile un étrangé, calme comme un Paris Texas, mais le gars n'est pas du genre à s'en laisser raconter et est prompt à sortir les crocs et les riffs acérés, nul doute qu'il s'intègrera dans cette communauté de culs terreux, c'est un des leurs, il ne faut pas se fier à son aspect calme.
La Fourche, normalement cet outil sert à retourner la terre, à mouvoir la paille voire le fumier; celle-ci semble avoir des usages plus belliqueux, primitifs et menaçants.
Les Friches, sorte de pendant du Démolitions du précédent album, sauf qu'ici on ne détruit pas on attend que le temps fasse son œuvre, que le délitement se passe, que la poussière s'insinue, que la corrosion  érode, que la pourriture s'installe.
Friche rurale ou urbaine, blues ou industriel ...


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PARQUET SONORE
20 Octobre 2014
https://fr-fr.facebook.com/parquetsonore

U
n concert de saison : les hasards du calendrier font parfois les choses mieux qu'on ne les aurait imaginées. En effet, rien de mieux que la musique cinématographique et crépusculaire de Brame pour rentrer pleinement dans l'atmosphère automnale.

Ce duo bordelo-toulousain, triture un blues noise farouche, brut, viscéral, qui vous plonge directement dans l'ambiance d'un western poisseux sous un ciel chargé.
Point de nylon ici, les cordes de guitare sont des fils barbelés en plomb qui s'entrechoquent sous le martèlement de mains cornées. L'instrumentarium de bidouille (boucleurs, granulateurs, graviers, cajon, appeaux, tamis, tôle, oscillateurs, harmonica et mégaphone) enrobe le tout d'un épais brouillard qui do
 nne les frissons, et les râles déchirants qui viennent s'y superposer finissent de vous glacer le sang.
Pourtant rien est figé, ça saigne, le bois est usé, griffé, les pierres s’effritent sous vos pas, le parquet grince et menace de s'évanouir en poussière à chaque vibration.

Amis vous êtes prévenus, chaussez vos bottes et tendez bien l'oreille, ces deux là savent comment vous les réchauffer.

Univers musicaux associés :
One Lick Less, BO Dead Man, L'Ocelle Mare, Swans, Radikal Satan...



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ROTATIONS VARIABLES

14 Octobre 2013
http:// rotationsvariables.blogspot.fr

Brame est-il un groupe de blues ou fait-il dans l'industriel, voire est-il au delà de ça ? Difficile de trancher.
Il y a indéniablement une trame blues, cette guitare, mais nimbée d'une lumière industrielle,
la couleur sonore qui entoure cette guitare; c'est dire le coté joyeux des lascars.
Donc une guitare poisseuse, rêche, couverte de boue séchée, incrustée de rouille, acerbe et affutée.
Accompagnée de tapements réguliers et diffus (sur et avec tout ce qui passe sous la main ou le pied), les qualifier de rythme serait péremptoire, mais cela fait office de.
Divers bruits inquiétants, dissonants  et incongrus viennent se greffer à ce substrat (cailloux, appeaux, tamis, tôles ... dixit le groupe).
Ne manque que le chant, enfin le hurlement lointain - inintelligible, inarticulé, outrancier - effectué au travers d'un mégaphone.
En conclusion il s'agit bien d'un blues décharné, plus que désespéré, agrémenté d'une couche de crasse industrielle, elle même bardée de drones arides.
Un blues pour lequel le diable en personne vendrait son âme le soir à un croisement de routes, à moins qu'il n'ait trop peur !

U Mulateru

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SATAN OWES US MONEY
REPORT
Brame +Menuet Babel,
25 février 2012, Up&Down, Montpellier
http://satanowesusmoney.blogspot.com/

Brame : le groupe qui donnerait presque envie de dire que Gira et son My Father Will Guide Tout Ça Tout Ça arrivent après la guerre, qu'il laisse un peu son taf à Nick Cave ce sale gothique, que Faulkner en secret était français, ce genre de folles conneries enthousiastes ; le groupe qui donnerait presque envie de dire qu'ils jouent un peu tout le temps le même morceau, qu'ils ont une seule idée, ce genre de conneries (ne vous cachez pas, je sais que certains l'ont pensé) ; si ce n'est que chaque morceau, chaque pulsation provoque dans le bassin et les vertèbres des réactions différentes, eux qui sont plus intelligents que nos pauvres cerveaux mesquins ; Brame, qui tire toute la transe qu'il y a au blues, en en pressurant le riff primordial sous toutes ses mornes et irrésistibles inflexions venues du ventre, qui en fait de l'indus et le joue comme du hardcore ; le groupe qui s'ajoute à la croissante liste de ceux qui me rendraient chauvin malgré que j'en ai, avec cette façon de s'approprier le folklore qui n'appartient qu'à nos punks à nous.

Gulo, 26/02/2012

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Le Château des Musiques Sombres
(2012)
Un recueil de critique musicale qui prend pour angle l'usage scénographique de la musique en jeu de rôle.
http://ubuntuone.com/4MfpzOdjiPP4ypO4fe1IpZ

BRAME / Tenaille / 2009

Genre : post americana / field recordings
A écouter : la tête en friche industrielle
Idéal pour : Warsaw, Deadlands, Summerland
Comme au cinéma : Les Rivières Pourpres 2, La Raison du Plus Faible

Autopsie : Pour mon retour de vacances, nous allons plonger dans un contrée qui n'évoque justement pas les vacances : la Lorraine, et ses friches industrielles, ses gares abandonnées, et les derniers habitants qui côtoient ce désert de l'emploi. Les églises en fer rouillé, la Ligne Maginot, et les rails de chemin de fer, et les wagons tagués. C'est ce paysage là que nous offre la musique de Brame, un two-man band français tout ce qu'il y a de plus confidentiel. Si les field recordings (chants d'oiseau, sons du train, vent dans les ruines) créent cette évidence, la musique quant à elle lorgne vers l'americana, et impose un parallèle audacieux : les friches industrielles de la Lorraine, c'est un western contemporain. Un western fait de misère rurale, de familles déshéritées, de rouille, et de futur sans avenir. Mais c'est une americana mutante; c'est une Lorraine digne de "La Colline a des yeux" : instrumentaux déglingués, chant réduit à un vagissement crépusculaire... L'ensemble évoque l'art brut, rappelle que le nuage de Tchernobyl ne s'est pas arrêté à la frontière, et a dans les yeux le bleu qui manque à son décor. Et finalement, comme un accident, c'est une beauté, une nostalgie, qui évoque les œuvres des photographes qui font de l'exploration urbaine : les ruines ont une âme, elles ont quelque chose à dire, et un décor de désolation en vaut bien un autre.
En attendant, c'est à la fois la bande son idéale pour un western crépusculaire dans les mines du Klondike, une errance dans les rues mortes de Warsaw hantées par le fantôme de Sergio Leone, ou tout simplement un polar de l'est gorgé au schnaps et au chamanisme.
Et comme c'est en téléchargement libre sur le site du groupe, ça ne vous coûtera rien de tenter le tourisme de l'oubli.

Thomas Munier

 

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SATAN OWES US MONEY
mardi 3 novembre 2009
http://satanowesusmoney.blogspot.com/

Si jamais l'envie t'en prend d'en parler, n'oublie pas qu'on a pas seulement ton adresse, mais aussi un tournevis et un marteau, et José, avec un tournevis, c'est pas un manchot ...

Je cite de mémoire.
Mais c'est pas tant José qui m'inquiète. Plutôt tous ses potes traîne-la-patte sur ce chantier fantôme, dans l'aube du Far-West, qui revient à la vie avec langueur et tâtonnement, avec ce brame puissant qui peu à peu gagne en majesté, en envergure, en netteté menaçante. On s'affaire pesamment mais sûrement, invisibles dans ces vents rôdeurs, c'est une certitude, on forge et on rémoule des mâchoires irrégulières et de larges massicots, on s'étire en craquant péniblement d'un long sommeil poussiéreux dispersé par un l'estomac douloureusement creusé ; on hurle un tourment famélique, de loups restés égarés quelque part dans le temps, dans un souffle qui se perd dans le souffle vermoulu des machines et celui furtif de la nature paisible.
Passe le fracas d'un train, et le rêve maussade se dissipe, à regret, retourne au lointain ...

Voilà, les gars ; je vous avais dit la possibilité que je vous pile ou zappe ; j'avais omis celle où je chroniquerais votre machin sur la première écoute, s'il me saisissait d'une vision. Faut dire aussi que cette saloperie m'a mâchouillé le cerveau matin, sans prévenir ...

Libellés :  four roses

gulo gulo

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Les Potagers Natures / Növö Local
programme / mai 2010
http://www.lespotagersnatures.org
BRAME est un duo à la musique sèche et aride. La voix émerge d'accords tranchants de guitare électrique rappelant le jeu d'Albini dans Shellac ; le rythme de la percussion est quasi inexistante.
L'ambiance est au deuil, au recueillement, à l'introspection.

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ALL THAT GLITTERS / SOUM / UP&DOWN
(promo concert Montpellier)
Brame, comme son nom l'indique, c'est le chant du blues rendu à l'état de nature, c'est un lambeau de chemin de fer qui vous emmènera vous perdre dans vos rêves forestiers les plus rugueux, Brame c'est bon comme un bon scotch bu dans le fond de votre godillot.

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HEAVY MENTAL
mardi 2 mars 2010
http://666rpm.blogspot.com/

Encore une bonne surprise. Brame nous vient tout droit de Bordeaux, une ville qui abrite donc d'autres espèces d'animaux sauvages que l'ours velu, le turbokinder et le post hardcoreux septentrional. Ce Tenaille est (peut être) le premier album d'un groupe qui sait soigner son esthétique générale (superbe artwork) et une certaine opacité d'ensemble – ce que d'aucun appellerait de la prétention arty ou de l'obscurantisme d'intellos. Mais le charme opère à plein quand même, dès le départ, et haut la main.
Le disque attaque en douce avec un Dépouille presque lymphatique, lent et semble t-il sans fin, traversé par des déchirements d'harmonica, des grésillements de guitare, une grosse caisse qui soudain bat le rythme cardiaque et un vague paysage sonore – on croirait entendre un train ou autres bruits ferroviaires au début. Encore un groupe qui nous fait le coup du western urbain avec le cow-boy des temps modernes perdu dans l'immensité industrielle et la modernité décadente ? Je n'ose le croire. Les membres du groupe s'appelle tous Brame, concept éculé depuis au moins les Ramones et peut être même avant (les Daltons ?) et ils sont également affublés de prénoms ridiculement vieillots : José joue de la guitare, du looper et de la grosse caisse, Serge braille, joue de l'harmonica et de la machine à bruits (mais où est donc passé Averell ?). Maurice – l'impresario des deux autres à moins qu'il ne soit leur père – répondra quant à lui à toutes vos questions et commandes éventuelles d'un album que Brame offre par ailleurs en téléchargement libre sur son site officiel, vive la révolution et tant pis pour le loyer.
Un nouveau western, du blues déchiré pour ne pas dire déchiqueté, du souffle court à la limite de l'agonie, des vagissements de soulard coincé sous une vieille caisse de bouteilles de bourbon périmé, une guitare qui sonne la plupart du temps comme une pauvre plaque de métal rouillé attaquée à la tronçonneuse, des samples trop faciles d'une ville c'est beau la nuit, des textes (?) incompréhensibles (re ?), plus aucun indien digne de ce nom à massacrer à l'horizon, pas de chasseur de primes ou de shérif pour vous faire peur, pas de putes de saloon non plus : le paysage décrit par Brame – tellement bien délimité qu'il peut s'étendre à perte de vue – est aride et désolé mais finalement absolument pas vide ni stérile et cette musique, pour autant simple et décharnée qu'elle apparait, possède un fort côté piégeux, un peu comme ce vieux puits à moitié effondré, espéré depuis de longues heures de marche sous un soleil impitoyable et dont on prie pour qu'il ne renferme pas que de l'eau croupie ou daubée par un cadavre décomposé et abandonné là par une bande d'apaches cloutés. Ça, c'est le genre de conneries que j'aime inventer bien que je sente pertinemment qu'il n'y a aucune imagerie aussi simpliste (Brame a beau venir de Bordeaux, le Ouest terne et eux ça fait deux) ni aucun concept fumant derrière tout ça, aucun calcul ni préméditation prétentieuse. Pas d'arrière pensée si ce n'est celle de jouer une musique un peu différente de la moyenne underground mondiale, position que l'on ne saurait taxer d'ambitieuse : c'est sans doute avec des moyens limités et insuffisants que Brame a essayé de faire quelque chose et y est parvenu – à l'instinct, à la force du poignet, sous l'emprise d'un bon alcool ou je ne sais trop comment. Le résultat est à la hauteur de leur ignorance désormais vaincue comme de la mienne, puisqu'il est synonyme de (bonne) découverte. Et c'est ça le plus important.


Etagères : Chroniques disques

Haz

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SLOW END
Novembre 2009
http://www.slowend.com/c/?d=812

Brame ébranle son croulis de rouille d'usine comme l'on turbinait dans les champs de coton : languissamment, accablé à en saigner sous le soleil qui monte à n'en plus finir dans l'aube ; au rythme des tambour des galères, car la musique d'esclave est la même sous toutes les latitudes, qu'on l'appelle dub de la peau parfaite ou chant du Delta, c'est le même harassement, le même gémissement, le même acharnement qui brouille la vue, le même ... brame, tout à fait, qui ferait une bonne traduction de chez nous pour pour "howl".
C'est majestueux, capiteux, beau comme ... vous avez deviné quoi.


-gulo gulo ,

Tenaille 
en trois mots : terrien, spirituel, douloureux